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Le dilemme de la gestation pour autrui : entre sécurité juridique et dignité de la personne humaine

Publié par Pierre GILBERT sur 29 Mai 2013

Le dilemme de la gestation pour autrui : entre sécurité juridique et dignité de la personne humaine

Réintroduite dans le débat public après la publication d’une circulaire de la garde des Sceaux, Christiane Taubira, en date du 25 janvier 2013, la question de la gestation pour autrui (GPA), technique de procréation médicalement assistée dans laquelle la mère porteuse est seulement gestatrice (c'est-à-dire qu’elle se contente de porter l’embryon des parents d’intention) a connu, ces derniers mois, un regain d’intérêt médiatique, bien que la circulaire en question ne modifie pas l'état du droit applicable en la matière.

Néanmoins, si la question de la GPA a été soulevée à l’occasion des débats ayant présidé à l’adoption du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, il convient de préciser qu'au sens strict, elle concerne exclusivement des couples hétérosexuels dont la femme n’est pas en capacité de porter un enfant à terme.

Une reconnaissance incertaine des enfants nés d’une GPA à l’origine d’une importante insécurité juridique

Depuis son interdiction expresse par la loi bioéthique du 29 juillet 1994, reprise à l’article 16-5 du code civil, la pratique de la gestation pour autrui est sanctionnée par une amende de 15 000 euros et une peine d’un an d’emprisonnement, conformément aux dispositions de l’article 227-12 du code pénal.

Au-delà de cette stricte interdiction, le recours à la gestation pour autrui constitue un motif de non-reconnaissance de la filiation entre les enfants nés à l’étranger suivant ce procédé et leurs mères intentionnelles, voire de refus de paternité en vertu du principe selon lequel « la fraude corrompt tout ». Ainsi, qu’elle soit pratiquée légalement à l’étranger ou illégalement en France, la GPA porte en germe de nombreux risques en matière de filiation et de sécurité juridique.

Malgré l'interdiction, entre 500 et 800 couples auraient recours chaque année à cette pratique à l’étranger, sans nécessairement adresser à l’administration française une demande de reconnaissance de filiation, par crainte de se voir opposer un refus de sa part. De plus, saisis par le ministère public, les tribunaux de grande instance sont parfois amenés à refuser la transcription des actes de filiation établis à l’étranger, en particulier s’agissant de la filiation maternelle, sur les registres d’état-civil. Le cas échéant, un seul parent y est mentionné, à savoir le père qui est à la fois le père biologique et le père d’intention.

L’absence de transcription de l’acte d’état-civil étranger ne faisant pas obstacle à ce que cet état-civil soit utilisé par les parents dans les actes de la vie courante en vertu de la force probante présumée des actes d’état-civil étrangers prévue par l’article 47 du code civil, la non-transcription dans l’état-civil de la filiation ne pose a priori aucune difficulté majeure dans la vie quotidienne de l’enfant, qui plus est lorsque la paternité du père, et donc son autorité parentale, est reconnue.

Cependant, la mère d’intention ne dispose pas de cette autorité, ne pouvant même pas, en vertu de la ligne jurisprudentielle classique de la Cour de cassation (Cass. Plén., 31 mai 1991), adopter l’enfant ainsi conçu de son conjoint. Dans cette situation, le risque principal d’insécurité juridique apparaît en cas de divorce des parents, et plus encore en cas de décès de ces derniers, ou simplement de l’un d’eux :

Autre conséquence préjudiciable : la présomption de recours à la GPA constitue un obstacle à l’acquisition par les enfants concernés de la nationalité française, ce qui les empêche, par exemple, d'obtenir un passeport ou de postuler à un emploi public. C’est à cette difficulté qu’entend répondre la circulaire du 25 janvier 2013, celle-ci prévoyant que, désormais, le seul soupçon de recours à ce procédé à l’étranger ne peut suffire à opposer un refus de délivrance de certificat de nationalité française (CNF).

Une amélioration nécessaire de la sécurité juridique des enfants nés dans le cadre d’une GPA

La première option envisageable offre la possibilité d’accroître la sécurité juridique de l’enfant sans toutefois réviser le régime juridique de la GPA. Dans cette perspective, deux cas doivent être distingués selon qu’une modification des règles relatives à la filiation est ou non envisagée.

En cas de seule inscription de la filiation paternelle (à défaut de permettre une reconnaissance de la filiation maternelle), la mère intentionnelle pourrait obtenir, à la demande du père et conjoint, un jugement de délégation avec partage de l’autorité parentale, suivant les dispositions de l’actuel article 377-1 du code civil : la mère bénéficierait alors de prérogatives liées à l’autorité parentale sans que la filiation ne soit pour autant établie à son égard. Peut également être envisagée une inscription, en marge de l’acte de naissance de l’enfant, d’une mention relative au jugement rendu à l’étranger et ayant reconnu la mère d’intention comme mère : une telle inscription aurait expressément et exclusivement pour effet d’éviter, en cas de décès des deux parents, la privation des parents de la mère d’intention de tout lien avec l’enfant, du fait d’une procédure d’adoption plénière engagée par un tiers.

En cas de modification des règles relatives à la filiation, il serait possible, d’une part, de dissocier le sort des enfants nés d’une GPA de celui du contrat illicite qui la sous-tend, en admettant une sorte de « filiation putative » : ainsi, une filiation déclarée nulle pour cause de GPA pourrait malgré tout produit des effets juridiques. D’autre part, conformément à la proposition du Conseil d’État, il pourrait être envisagé d'autoriser la transcription de la filiation paternelle et d’admettre la possibilité pour la mère d’intention d’engager une procédure d’adoption, impossible en l’état actuel du droit.

Ces deux mesures seraient néanmoins à l’origine d’une certaine incohérence juridique au regard de la prohibition de la GPA en droit français, dans la mesure où elles supposent de reconnaître les effets produits par une pratique prohibée.

Vers une légalisation de la GPA ?

Si une légalisation de la GPA peut sembler l’option la plus pertinente au regard de la clarté et de la cohérence du droit, une telle reconnaissance ne pourrait s’opérer que dans un cadre strictement défini, compte tenu de l’importance des principes éthiques, au premier rang desquels celui de non patrimonialité du corps humain (article 16-1 du code civil). A cet égard, les propositions du groupe de travail sur la maternité pour autrui, présidé par la Sénatrice Michèle André, constituent des pistes de réflexion intéressantes en vue de concilier légalisation de la GPA et respect des principes éthiques.

Concernant les conditions d’éligibilité, les bénéficiaires devraient, par exemple, former un couple marié ou justifiant d’une vie commune d’au moins deux années et dont la femme se trouve dans l’impossibilité de mener une grossesse à terme. La gestatrice devrait également répondre à certaines conditions, comme avoir déjà eu au moins un enfant sans difficulté particulière, être domiciliée en France et ne pas mener plus de deux grossesses pour le compte d’autrui. Le groupe de travail propose également que les différents intervenants fassent l’objet d’un agrément délivré par une commission placée sous l’égide de l’Agence de la biomédecine.

Concernant le régime juridique, les couples demandeurs et les gestatrices pourraient être mis en relation, sans rémunération ni publicité, par l’intermédiaire d’associations agréées par l'agence évoquée plus haut. Au surplus, le transfert d’embryon pourrait être subordonné à une décision de l’autorité judiciaire.

Si un tel encadrement ne prémunit en aucun cas contre les risques de dérives et le maintien des pratiques clandestines, ce que rappelait d'ailleurs le comité national consultatif d’éthique en 2010, il n’en permettrait pas moins de mettre fin à une situation de grande insécurité juridique subie tant par les parents ayant eu recours à la GPA à l’étranger que par leurs enfants.

La GPA dans le monde (NB : aux Etats-Unis, la légalisation/interdiction de la GPA varie selon les Etats, tandis qu'au Canada toutes les provinces l'autorisent, à l'exception de celle de Québec)

La GPA dans le monde (NB : aux Etats-Unis, la légalisation/interdiction de la GPA varie selon les Etats, tandis qu'au Canada toutes les provinces l'autorisent, à l'exception de celle de Québec)

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P
ok bb
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G
Bonjour,<br /> Dans le cadre de la réalisation de notre TPE pour le baccalauréat traitant du droit des femmes à disposer de leur corps, votre article a interpellé mes camarades et moi, ainsi nous aurions souhaité (uniquement avec votre accord) utiliser une image de votre article afin de l'intégrer à notre travail.<br /> Dans l'attente de votre réponse, positive je l'espère.<br /> Victor Gauquelin
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M
Nowadays, you can see of many instances where many depend upon a surrogate mother to bore a child for them. There are many legal issues associated with the surrogacy and therefore, this has become a serious headache for all. I hope the issues associated with it can be sort out by a friendly law.
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