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Les emplois d'avenir, une refonte incertaine des emplois jeunes

Publié par Pierre GILBERT sur 8 Janvier 2013

Les emplois d'avenir, une refonte incertaine des emplois jeunes

Le 8 novembre 2012 étaient signés les premiers contrats « emplois d’avenir » à Chelles en Seine-et-Marne, en présence du Président de la République, François Hollande. Cet événement médiatique s’inscrivait dans la volonté gouvernementale de conclure 150 000 contrats de ce type d’ici 2014. Défini par la loi portant création des emplois d’avenir promulguée le 26 octobre 2012, le dispositif a été présenté par ses détracteurs comme un « formule à peine revisitée des emplois jeunes » (formule empruntée au député UMP Yves Jégo). Mais qu’en est-il en réalité ?

Le relatif succès des emplois jeunes

Présenté en 1997 par la Ministre de l’Emploi et de la Solidarité Martine Aubry, le programme « Nouveaux Services Emplois Jeunes » (NSEJ) se donnait pour objectif de remédier en urgence au fléau du chômage des jeunes, avec un objectif de 700 000 contrats conclus entre 1997 et 2992, dont 350 000 dans le secteur privé.

Ouverts à tous les jeunes de moins de 26 ans, les emplois jeunes prenaient la forme de contrats à durée indéterminée ou déterminée de cinq ans, généralement à temps plein, pouvant être signés par les établissements scolaires, la police nationale, les collectivités territoriales ou les associations. Ciblant exclusivement le secteur non marchand, le dispositif entendait répondre aux nouveaux besoins sociaux (sécurité dans les quartiers sensibles, développement durable…). Quant à la rémunération des jeunes embauchés, celle-ci était prise en charge par l’État à hauteur de 80 % du SMIC.

Abandonnés en 2002, les emplois jeunes présentent un bilan relativement positif, bien que sur les 700 000 postes d’emplois jeunes initialement prévus, seuls 310 000 aient été effectivement créés, très majoritairement dans le secteur public. Ainsi, selon une étude de la DARES, près de 85% des bénéficiaires d’un emploi jeune avaient retrouvé un emploi à l’issue du dispositif, tandis que 72% étaient en CDI.

Emplois jeunes et emplois d’avenir : ressemblances et dissemblances

Si les emplois d’avenir présentent certains traits communs avec les anciens emplois jeunes, ils s’en écartent sur de nombreux points.

Au chapitre des ressemblances doivent être cités le secteur d’embauche et l’objet de l’activité exercée. Ainsi, les emplois d’avenir doivent en principe être recrutés dans le secteur non marchand (collectivités territoriales, secteur associatif…) afin d’exercer une activité présentant un fort potentiel en emplois ou un caractère d’utilité sociale ou environnementale, ce qui n’est pas sans rappeler l’ambition sociale des emplois jeunes. De manière dérogatoire, des entreprises peuvent également recourir au dispositif, à condition que l’emploi concerné présente une utilité sociale avérée.

Autres similitudes, le « contrat emploi d’avenir » peut être à durée indéterminée ou à durée déterminée de 3 ans, en principe à temps plein, tandis que la rémunération est prise en charge par l’État à hauteur de 75 % du SMIC (35% dans le secteur privé).

Au titre des différences, le dispositif des emplois d’avenir est réservé aux jeunes de 16 à 25 ans, peu ou pas qualifiés, rencontrant des difficultés particulières d’insertion professionnelle et résidant en zone urbaine sensible (ZUS), en zone de revitalisation rurale (ZRR) ou dans une collectivité d’outre-mer. Cette première différence renvoie au public éligible, les jeunes diplômés du supérieur étant exclus du champ légal d’application.

Enfin, en vue de favoriser l’insertion professionnelle, la loi du 27 octobre 2012 pose une obligation de formation du jeune devant déboucher sur la délivrance d’une attestation de formation / d’expérience professionnelle ou sur une validation des acquis de l’expérience. Toutefois, au regard des dispositions actuelles, cette obligation est insuffisamment précise, d’où un transfert au service public de l’emploi de la responsabilité de formation des bénéficiaires des emplois d’avenir.

L’avenir incertain des emplois d’avenir…

Compte tenu de ces éléments, force est de constater qu’au-delà de quelques innovations, le dispositif des emplois d’avenir n’a retenu que les éléments les plus fragiles des emplois jeunes.

En effet, la relative réussite des emplois jeunes en matière d’insertion durable dans l’emploi résulte essentiellement de la surreprésentation des jeunes diplômés, dotés d’une meilleure employabilité que les non diplômés, au sein du public bénéficiaire : ainsi, selon une étude du Centre d’études de l’emploi, plus de 85% des jeunes bénéficiaires étaient titulaires du baccalauréat ou d’un diplôme de l’enseignement supérieur. Plus encore, l'INSEE estime que 40% des emplois jeunes disposaient d’un niveau de formation au moins égal à un Bac+2.

Le dispositif actuel s’appuie essentiellement sur le secteur non marchand, peu propice à l’insertion dans l’emploi de jeunes non qualifiés. Or, en matière de contrats aidés, une enquête menée par la DARES évaluait à 59,8% le taux d’insertion durable dans l’emploi dans le secteur marchand, contre seulement 24,8% dans le secteur non marchand. Ainsi, le double ciblage des emplois d’avenir sur le secteur non marchand et sur un public non qualifié peut constituer un obstacle majeur à la réalisation des objectifs gouvernementaux.

Néanmoins, pour conclure sur une note d’optimisme, il convient de signaler qu’à court terme, les emplois d’avenir devraient permettre, comme tout contrat aidé intervenant dans le secteur non marchand, une création temporaire d’emplois, ce qui, dans le contexte actuel, n’est pas si mal.

Les emplois d'avenir, une refonte incertaine des emplois jeunes

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C
Je suis surprise que vous n’évoquiez pas les emplois d’avenir professeurs, ils sont pourtant dans la loi
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P
Les « emplois d’avenir professeur » s’inscrivent à mon sens dans une démarche différente, du fait des conditions particulières à remplir pour y postuler (être inscrit dans l’enseignement supérieur, se porter candidat aux concours de l’enseignement). En somme, ils n’ont que peu de points communs avec les « emplois d’avenir » et s’apparentent davantage à un mécanisme de pré-recrutement d’enseignants. Dans un souci de clarté, je ne les ai pas évoqués et, compte tenu de leurs caractéristiques respectives, il est même surprenant que les deux dispositifs aient fait l’objet d’un support légal commun…