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La francophonie : menaces sur un « soft power » à la française

Publié par Pierre GILBERT sur 22 Janvier 2013

La francophonie : menaces sur un « soft power » à la française

Le 20 janvier dernier, la ministre déléguée chargée de la Francophonie, Yamina Benguigui, recevait le secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf, près de quatre mois après la tenue à Kinshasa du XIVe Sommet de la Francophonie, marquant ainsi l’importance accordée par les gouvernements français à la politique francophone. Pour autant, jamais dans l’histoire récente l’avenir de la Francophonie a semblé aussi incertain. Retour sur une histoire de quarante ans…

La francophonie, un levier de la politique étrangère française

Dans les années 1960, la francophonie apparaît comme un moyen de maintenir un lien entre la France et les anciennes colonies, nouvellement indépendantes.

Ainsi, dès 1970, la conférence de Niamey s’achevait sur la création d’une Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), réunissant des Etats francophones et dont l’activité consistait exclusivement à promouvoir la coopération culturelle entre ses membres. La diversification progressive de ses missions et le renforcement du caractère politique de son action fut à l’origine de sa transformation en Organisation internationale de la francophonie (OIF) en 1998.

Au regard de ses missions (promotion de la langue française et de la diversité culturelle, mais également de la démocratie et des droits de l’Homme, ou encore soutien à l’éducation et à la recherche dans les pays membres), l’OIF témoigne du caractère ambivalent de la Francophonie, qui apparaît à la fois comme une politique culturelle et un instrument de puissance. Cette ambiguïté est renforcée par l’existence de représentations permanentes de l’OIF auprès de l’Union Africaine, de l’Union européenne et des Nations unies, autant de structures qui apparaissent comme de véritables relais diplomatiques.

L’implication des plus hautes autorités nationales dans l’élaboration de la politique francophone témoigne de l’importance diplomatique de la Francophonie. Ainsi, les orientations de cette politique sont fixées par un Haut Conseil de la Francophonie, présidé par le Président de la République et composé de membre essentiellement non Français nommés par lui. La seconde instance impliquée est le Conseil supérieur de la langue française. Placé auprès du Premier ministre, ce conseil a notamment pour mission d’étudier les questions relatives à l’enrichissement et à la diffusion de la langue française. A ces deux instances s’ajoute également l’action des ministères, au premier rang desquels le ministère des Affaires étrangères par l’intermédiaire d’un ministre délégué à la Francophonie.

Ainsi, la Francophonie constitue incontestablement un levier du « soft power » français, appuyant les positions de la diplomatie française en matière culturelle au moment des sommets de l’OIF. Ainsi, à titre d’exemple, à l’issue du Sommet de Ouagadougou (Burkina Faso) de 2004, les Etats participants affirmaient, conformément à la position française, leur soutien à la future convention internationale sur la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques, permettant notamment une exclusion de l’industrie culturelle des négociations de l’OMC.

Un avenir menacé

La Francophonie se caractérise néanmoins par certaines faiblesses qui peuvent, à terme, hypothéquer son développement.

Tout d’abord, les contradictions fréquentes entre ses divers objectifs contribuent à rendre l’élaboration d’une stratégie claire et cohérente difficile. Ainsi, le maintien d’un critère linguistique et la prééminence de son ambition culturelle empêchent l’OIF d’étendre ses activités à d’autres domaines, pourtant particulièrement importants dans les pays d’Afrique (affaires économique, campagnes sanitaires…). Parallèlement, la mission de promotion de la démocratie fait parfois l’objet de remises en cause, comme en témoignent le cas du Vietnam, doté d’un régime non démocratique et pourtant membre de l’OIF, et plus récemment le cas de la République démocratique du Congo.

De manière plus ou moins paradoxale, le caractère politique de l’OIF affaiblit également la portée de son action. Ainsi, l’Algérie, seconde communauté francophone au niveau mondial avec près de 16 millions de locuteurs, refuse de devenir membre de l’OIF, prêtant à l’organisation une « ambition néocoloniale ». Constitue une autre manifestation de l’impact des litiges diplomatiques sur la Francophonie, le choix opéré en 2009 par le Rwanda, connaissant des tensions avec la France, d’adhérer au Commonwealth et d’imposer l’anglais dans les écoles primaires, alors même que le français était reconnu comme langue co-officielle dans le pays.

L’avenir de la Francophonie semble d’autant plus fragile que les contraintes budgétaires rendent incertaine la poursuite en l’état de cette politique, ce dont témoigne le regroupement en 2010 des services culturels français à l’étranger en un Institut français (ex-Institut Victor Hugo), sur le modèle allemand de l’Institut Goethe.

Plus récemment, malgré une volonté réelle d’engagement du gouvernement français à l’origine du lancement de plusieurs projets (formation d’enseignants africains, soutien à la création artistique et culturelle dans l’espace francophone, organisation d’un Forum mondial des femmes francophones et de Jeux de la Francophonie en 2013…), le XIVe Sommet de la Francophonie, qui s’est tenu à Kinshasa en octobre 2012, n’a apporté que peu de réponses, se recentrant sur des problématiques essentiellement linguistiques.

En somme, si un renoncement par la France à son leadership semble très improbable à court terme, une redéfinition des missions et structures de la Francophonie, apparemment indispensable, devrait être à l’ordre du jour des prochains Sommets de l’OIF…

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M
From the looks of the picture it is very clear that almost all the delegates from different part of the world were present on that day and a great deal of debates and discussion would have taken place after all.
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